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  • Photo du rédacteurCamille Jourdain

Devenir un moteur du changement : de l’arbre à nos pensées racines

Dernière mise à jour : 7 mai 2023


La métaphore de l’arbre telle que je vais la décrire m'est venue alors que j'écrivais sur la question de nos schémas et pensées et sur la difficulté à changer notre état d'esprit malgré notre sincère volonté de le faire. Je vous encourage à vous approprier cette métaphore, à la regarder selon vos propres expériences, pour qu’elle puisse mettre en évidence les points qu’il serait bénéfique d’observer pour votre évolution personnelle.


Imaginez que vous êtes un arbre. Un arbre a un tronc. Voyez ce tronc comme votre structure. Il représente ce que vous avez bâti pour devenir la personne que vous êtes devenue ; vos fondations et réalisations qui font de vous un être à part entière construit. C'est votre pilier fondateur, l'essentiel de ce que vous avez nourri et développé. Il peut être plus ou moins massif, souple, fragile ou robuste, gâté ou sain. Ses couleurs sont variées. Il peut avoir une belle écorce, mais aussi avoir été griffé et abîmé par la vie. Il est toujours en évolution et en perpétuelle croissance, à moins que celle-ci ne soit interrompue. Car s’il peut nous sembler que l’arbre ne grandit plus ayant passé un certain stade de son évolution, cette impression est une illusion. Comme lui, nous continuons de grandir et d’évoluer. Comme l'arbre, vous avez des branches. Ce sont les voies que vous nourrissez, en cours de construction au temps présent. Les options empruntées, les idées fleurissantes, les nouveaux projets, les possibilités envisagées qui s'ouvrent à vous. Elles représentent votre cheminement intérieur, ce qui est en train de mûrir et de se manifester, en construction. Votre ramure c'est en quelque sorte votre arborescence, une part de vos pensées manifestées et leurs différents degrés de réalisation. Ainsi chaque idée ou projet qui s'approfondira et se réalisera avec plus de conviction et stabilité, s’épaissira et deviendra le prolongement solide du tronc. Certaines branches sont parfois rompues. D'autres commencent à se développer puis cessent leurs croissances. L'énergie de l'arbre est redirigée dans d'autres directions. La ramure représente alors également les opportunités potentielles, les possibles choix que vous avez devant vous et que vous pouvez décider de développer ou de ne pas développer. L'arbre a un feuillage, au sein duquel des fleurs et des fruits se forment. Ce feuillage représente sa ressource personnelle. C'est le produit issu de qui vous êtes, de votre construction et de vos choix. Il change au gré des saisons avec des cycles. Et il se renouvelle en fonction de vos choix et des influences extérieures. Parfois il y a des moments de vide, puis, les idées fleurissent et de nouveaux fruits nourrissent le monde. Le fruit de nos réalisations personnelles c'est ce que nous donnons au monde. Le vent, les abeilles dispersent l'essence de nos fleurs pour semer de nouvelles graines, d'autres projets. Puis les oiseaux, les insectes et de nombreuses espèces viennent se nourrir de nos fruits, jusqu'à la terre elle-même. Même les fruits pourris, ceux qui pourraient être jugés infructueux, qui ne sont pas cueillis, nourrissent le sol et créent du terreau fertile. C’est-à-dire que même les fruits de certains projets, non reconnus, non recherchés par des tiers, vont d'une certaine manière avoir un rôle à jouer dans un circuit global. Aussi nous contribuons à un cycle qui se perpétue en lien avec notre environnement. Car la terre que nous nourrissons de nos fruits, nous nourrit en retour. Et chaque idée, chaque projet qui s'épanouit est source d'inspiration et d'influence pour les autres et est en mesure de nous nourrir également de manière directe ou indirecte, immédiate ou non, perceptible ou inconsciente. L'état de l'arbre, sa santé, mais aussi les conditions extérieures (climatiques, humaines...) jouent un rôle sur sa production. Certaines années, l'arbre donnera beaucoup de fruits, d'autres non. Certaines années son feuillage sera resplendissant et abondant, d'autres moins. Il perd ses feuilles plus ou moins vite, et sa floraison arrive avec plus ou moins d'avance ou de retard. Plus la structure de l'arbre est grande et saine, plus l'arbre donnera en abondance. Autrement dit, plus son tronc, sa construction est ample, solide et stable, plus il lui sera aisé de puiser dans ses ressources pour produire au bénéfice de son environnement. De la même manière un ensemble de conditions internes comme externes jouent un rôle certain sur nos réalisations. Bien sûr, la notion de production ici n’est pas à assimiler à une vision strictement matérialiste, nous produisons de la ressource humaine, qui est d’abord spirituelle avant d’être matérielle. Il est fondamental de le rappeler. L’expérience du monde à travers son aspect matériel, n’est pas une finalité en soi, c’est une ressource. Autrement dit ce n’est pas à l’humain ou à la vie de servir le produit, mais au produit de servir la vie. Nous pouvons parfois avoir le sentiment d’une confusion des rôles, d’une inversion des valeurs.

Enfin vous avez des racines. Les racines c'est ce qui vous a permis de devenir un arbre, ce sont vos mémoires mais aussi votre source. Elles vous nourrissent. Elles vous donnent de la ressource, de l'énergie pour vous permettre de vous développer. C'est grâce à elles que vous allez puiser dans la terre les éléments qui vous sont nécessaires pour grandir. C'est aussi elles qui permettent à l'arbre de tenir debout. Plus l'arbre est enraciné, plus il est en mesure de développer sa croissance et de se stabiliser. Les racines, c'est aussi vrai réseau de communication, elles s’entremêlent d'un arbre à un autre et leur permettent de se transmettre des informations par le biais de signaux électriques. Elles communiquent. Ainsi les racines font le lien avec la communauté. Elles sont source d'informations utiles pour permettre l'évolution favorable de l'arbre.


L'importance de nos racines


Nos racines sont fondamentales pour notre construction. Elles ne sont pas dissociables de celle-ci. Lorsque vous vous coupez profondément d'une partie de vos racines, une partie du tronc meurt, ou tout du moins est inerte. C’est-à-dire que vous vous coupez d'une partie de vous-même. Lorsque vous reniez une part de votre patrimoine familial, vous reniez une partie de l'héritage qui vous constitue. Il est beaucoup plus difficile de bâtir des fondations solides et stables, en reniant une partie de soi-même. De même, c'est une partie de votre potentiel qui est alors inaccessible.

Notre héritage c'est à la fois notre patrimoine génétique et tout son potentiel, et notre éducation avec une part de transmission consciente, ainsi que toutes les transmissions silencieuses, qui parfois se transmettent de génération en génération. La problématique à laquelle on peut être confronté, c'est que nous ne voyons pas toujours en nos racines quelque chose de sain, et dans les transmissions de nos ascendants quelque chose de fructueux. Il ne s’agit pas de renier la justesse de ce sentiment. Au contraire il est important de le regarder. Cependant, il faut également accepter, tout en reconnaissant que certains héritages ont été au premier abord plus nocifs que porteurs, la valeur de cet héritage même lorsqu'il a été semé dans la douleur - et peut-être même particulièrement dans ce cas. Parce que c’est alors que l’on pourra le transformer. Lorsque nous rejetons une partie de notre héritage, en réalité nous favorisons une forme de déni qui ouvre la porte bien souvent à la reproduction involontaire de schémas familiaux inconscients, ou qui favorise l'émergence de la peur de telles reproductions, conduisant à vivre une vraie lutte intérieure, laquelle peut potentiellement générer d'autres dysfonctionnements comportementaux parfois diamétralement opposés, ou en tout cas déséquilibrés. Qu'on le veuille ou non, nous sommes liés, par nature, à nos origines. Et nous en portons les mémoires.


Pour vivre en harmonie, bien en soi-même, et ainsi avoir un beau feuillage à offrir aux autres, il est important de nous aimer. Or pouvons-nous nous aimer vraiment en rejetant une part de notre héritage ? Faire la paix avec son histoire est primordial pour trouver un équilibre. Cela ne veut pas dire qu'il faut entretenir une relation qui pourrait s’avérer stérile ou toxique. Pardonner, signifie faire la paix en soi avec son histoire et avec les acteurs qui ont contribué à cette histoire, pour nous permettre d'avancer et d'en faire quelque chose de constructif.

Comment faire la paix avec les situations et les personnes qui nous ont blessées ? Déjà comprendre que celui qui nous a blessé n'était peut-être pas en mesure, sur l'instant, de faire différemment. Chacun porte en lui-même ses propres schémas inconscients, ses propres difficultés. Cela n'enlève en rien le fait que ça a pu avoir des conséquences négatives sur d’autres. Nous sommes tous soumis à l'ambivalence de notre humanité. Et bien sûr, nous faisons des choix, mais la majeure partie de nos choix est conditionnée par notre inconscient. Nous sommes sous l'influence de notre expérience, de notre passé, de nos mémoires, de nos croyances également sur nous-même et sur les autres. Et tout cela peut avoir un rôle dans nos comportements porteurs comme destructeurs. Regarder l'autre et se regarder soi à travers la complexité de toute la structure de l'arbre, peut permettre de comprendre que parfois, si certains fruits ne sont pas sains c'est parce que l'arbre n'a pas été nourri de manière à ce qu'ils le soient. Il ne s'agit donc pas de « justifier » les actes, de trouver des « excuses », mais de comprendre leur origine. Parce que comprendre permet de sortir de la reproduction. Ensuite, pour pardonner, il est bon de se demander ce que l'expérience nous a appris. Comment pouvons-nous faire en sorte qu'elle ait au moins un impact positif pour le présent et pour l’avenir ? Et regarder avec ouverture et sincérité ce qu'elle nous a permis de comprendre sur nous-même et sur le fonctionnement humain. Nous pouvons réellement dégager des savoirs de ces expériences et choisir de ne pas les reproduire, lorsque nous les regardons. L'arbre qui regarde ses racines, pourra alors choisir de pousser différemment tout en respectant son patrimoine, en favorisant ce qu’il peut faire évoluer dans un sens favorable et en reconnaissant et acceptant ce qu’il ne peut changer. Lorsque nous tirons un enseignement positif d'une situation vécue négativement, nous pouvons en ressentir une grande satisfaction et libération. Non seulement nous nous réconcilions avec une partie de nous-même, mais en plus nous nous accordons une réelle poussée de croissance qui peut devenir une force et un atout en soutien de toutes les situations de notre vie future.


« Regarder l'autre et se regarder soi à travers la complexité de toute la structure de l’arbre, peut permettre de comprendre que parfois, si certains fruits ne sont pas sains c'est parce que l'arbre n'a pas été nourri de manière à ce qu'ils le soient. »


Interdépendance et co-création


Chaque arbre est unique. Il est unique dans ce qu'il a fait de ses racines pour bâtir ses fondations, consolider son tronc, pour les choix qu'il fait et pour les fruits qu'il donne. Son unicité est le mélange de ses bagages et de ses créations. En même temps chaque arbre est connecté : relié à son espèce de par ses origines et grâce à ses échanges avec ses pairs - directs et indirects, conscients et inconscients. Il est aussi relié à la terre qui le nourrit et qu'il fertilise. L'arbre se ressource grâce à cette terre, grâce à sa famille, aux membres de son espèce qui le guident, et à tout un ensemble de facteurs et acteurs de la vie terrestre qui ont un rôle à jouer dans sa construction. Puis il transmet à son tour. Il créait à partir de sa source sa propre ressource et sème ses propres graines. Il est co-créateur à partir de son unicité et de sa reliance combinées. Ses productions, ses fruits nourrissent un écosystème qui dépasse le cadre de sa seule espèce reproductible. Il participe à l'émergence de cet écosystème riche en potentialité. Il vit son unicité en lien avec la biodiversité. C'est ainsi que nous sommes. Nous sommes interdépendants. En nous-même (notre héritage, notre structure et nos transmissions) et avec notre environnement. Nous recevons et nous donnons en retour. Ce que nous donnons influence ce que nous recevons et vice-versa. Tout comme notre héritage a une influence sur nos choix et actions, nos choix et actions ont un impact sur notre monde. Et cet impact nous revient en retour. Il nous alimente. Il est essentiel d'avoir conscience de cette interconnexion et interdépendance pour faire les choix qui nous semblent les plus sains pour notre intérêt personnel autant que collectif, car l'un et l'autre sont indissociables. "Collectif" ne s'entend pas de manière restreinte à l'échelle d'une société. C'est notre humanité prise dans son environnement global.

Nous avons cette capacité à générer des ressources qui peuvent être constructives, comme infructueuses ou destructrices pour notre espèce. Et nous avons des racines, qui correspondent à des expériences passées (les nôtres, celles de nos ascendants), dont nous pouvons tirer des leçons pour choisir d'évoluer dans une direction ou dans une autre.


Devenir son propre jardinier


Pour faire des choix conscients, cohérents et porteurs, il faut être en mesure de devenir observateur de toute la structure de l'arbre que nous sommes et de l'environnement dans lequel nous évoluons. Nous pouvons devenir notre propre jardinier.


Le jardinier observe l'arbre et son environnement et choisit de poser des actions pour aider l'arbre à s'épanouir si nécessaire. Ainsi, s'il ne pleut pas suffisamment pour l'arbre, le jardinier va l'arroser. Si l'arbre est malade, le jardinier va le soigner.

Un bon jardinier, celui qui obtient les meilleurs résultats en faveur de la croissance de son jardin, est un jardinier qui prend en considération l'ensemble des facteurs internes (propre à la structure de l’arbre) et externes (environnementaux) et met ses connaissances au service de l'arbre et de l'écosystème. Un bon jardinier s'intéresse à toutes les fonctions des différentes parties de l'arbre pour comprendre son fonctionnement global interne. Puis, il s'intéresse aux autres espèces et aux liens entre celles-ci et l'arbre pour pouvoir mener des actions cohérentes dans un environnement global au profit de tous. Car le bon jardinier reconnaît l’importance de chaque acteur de cet écosystème et aime l'ensemble de son jardin. Le jardinier, c'est celui qui agit en faveur du déploiement de la vie . Pour s'impliquer dans ce processus de croissance et le favoriser, il faut qu'il aime la vie. C'est ainsi qu'il peut la regarder vraiment et la respecter. Il ne va pas se contenter d'élaguer l'arbre et de ramasser les feuilles mortes. Il va regarder l'état de santé globale et si la nourriture de l'arbre - la terre, les racines - est saine, lorsque celui-ci montrera un signe de malnutrition. Un bon jardinier ne va d'ailleurs pas élaguer l'arbre sauf si cette action permet de le maintenir en bonne santé ou s'il y a mise en danger d'autrui. Mais il n'est pas dans le réflexe du jardinier qui aime l'arbre de restreindre sa croissance. Aussi regarder comment l'homme traite ses arbres est intéressant et le parallèle pertinent pour nous aider à voir comment il se contraint lui-même et contraint également sa descendance.


Nous avons appris à conditionner l'arbre, en reproduisant nos propres conditionnements. Nous l'avons fait grandir dans des environnements bétonnés, où ses racines en viennent à être coupées pour ne pas déstructurer les routes artificielles que nous avons construites. Dans l'éventualité incertaine qu'une branche puisse tomber ou pousser dans une direction qui ne nous conviendrait pas, car l'environnement n'est pas adapté pour le voir s'épanouir vraiment, nous choisissons de restreindre sa croissance. Nous ne lui laissons pas la possibilité d'exprimer son plein potentiel naturel et nous ne nous laissons pas la possibilité d'observer ce potentiel pour le guider vers la meilleure version de lui-même – la plus épanouie et la plus fertile. Nous sommes devenus contrôlants, à tel point que nous limitons sa croissance naturelle et enfreignons le processus naturel de la vie. Et nous nous étonnons, malgré cette croissance conditionnée de manière restrictive, que l'arbre semble chétif, fatigué, fragilisé voire malade quand nous nous en apercevons, car nous n'observons finalement que très peu l'arbre. Nous passons à côté, sans le voir vraiment. C'est ce que nous faisons avec nous-même. Et c'est l'origine des maux de notre société. Nous attendons bien souvent le burn-out, la dépression, la crise, pour finalement comprendre que quelque chose n'allait pas. Nous nous contraignons à grandir dans des environnements (matériels, sociaux, structurels) qui ne sont pas adaptés à notre épanouissement personnel. Nous restreignons notre potentiel de croissance - émotionnel, intellectuel, artistique, créatif - pour nous intégrer à cet environnement que nous avons construit selon des critères conditionnés par des projections incomplètes de ce qui doit être pour fonctionner valablement. Nous nous étonnons que cela ne nous convienne pas, nous ne le comprenons pas, car nous ne regardons pas vraiment. En fait, nous ne faisons bien souvent pas le lien entre ce mal-être et nos conditionnements à l'origine de ceux-ci. En réalité nous regardons seulement des parties de l'arbre. Et lorsque certaines parties nous dérangent, nous les ignorons. Nous entrons alors dans une forme de déni. Or c'est justement regarder toutes les parts de l'arbre, des parts les plus agréables aux parts les moins évidentes, qui nous permettrait d'agir favorablement sur notre croissance personnelle et sociétale.

Alors comme le jardinier, nous pouvons, tout en faisant l'expérience de notre vie, devenir l'observateur de l'ensemble de notre structure, de nos racines à notre feuillage et aussi de notre environnement et commencer à comprendre les liens de causalité entre chaque partie du processus de croissance, pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et pour agir - comme le jardinier - en faveur de notre croissance fertile et de celle de notre écosystème.


« Nous restreignons notre potentiel de croissance - émotionnel, intellectuel, artistique, créatif - pour nous intégrer à cet environnement que nous avons construit selon des critères précis et conditionnés par des projections incomplètes de ce qui doit être pour fonctionner valablement. Nous nous étonnons que cela ne nous convienne pas, nous ne le comprenons pas, car nous ne regardons pas vraiment.
En fait, nous ne faisons bien souvent pas le lien entre ce mal-être et nos conditionnements à l'origine de ceux-ci. En réalité nous regardons seulement des parties de l’arbre. »


Nos pensées racines et déconstruction


Un arbre en bonne santé va générer une abondante prospérité, bénéfique pour lui et pour la communauté. Pour devenir cet arbre en bonne santé il faut commencer par se regarder vraiment. Regarder sa santé, et pas seulement sa santé physique, sa santé émotionnelle, sa santé psychique - son équilibre. Sommes-nous en paix avec nous-même et avec les autres ? Sommes-nous épanouis ? Puis il faut tracer l’origine de nos maux. Ne pas se contenter de soigner les symptômes mais retourner à la source. Regarder certes notre environnement, mais surtout en nous-mêmes, plonger dans nos mémoires, regarder nos racines et leur impact sur notre structure. Notre équilibre dépend de notre cohérence interne. Si des parties de soi entrent en contradiction, s'il existe une lutte intérieure entre nos aspirations et notre éducation par exemple ou entre deux croyances inconscientes, il va être difficile de mener à bien des projets de manière structurée, cohérente et porteuse, ou d'entretenir des relations saines, sereines et épanouies.

Quels sont les origines et les mécanismes de ces contradictions intérieures et comment pouvons-nous agir dessus pour nous aligner, c’est-à-dire devenir cohérents. Cela demande un réel effort de conscientisation et de déconstruction.


Faire le point sur nos croyances et les croyances de nos parents.


Notre pensée a été façonnée dès l’enfance avec tout ce que nous avons entendu, parfois à répétition, sur comment fonctionne le monde, l’homme et nous-même en tant qu’individu. Certaines affirmations se sont inscrites inconsciemment comme des évidences, comme des lois, dans notre système de pensée. Il est important de faire le point sur nos propres croyances et sur les croyances que nous avons héritées de nos parents. Sont-elles justes pour nous à l’heure où nous les interrogeons et correspondent-elles au monde dans lequel nous souhaitons vivre ? Car notre pensée est créatrice. Ce à quoi nous croyons, nous nous y conformons. Et ce que nous vibrons nous l’attirons. Si vous avez entendu durant votre enfance que vous n’êtes pas capable de réaliser telle ou telle chose, il est probable que votre vie durant, vous ne vous sentiez pas capable de réaliser tel ou tel projet.


Ne sous-estimons pas l’impact que certaines idées peuvent avoir durant l’enfance sur la construction de l’adulte en devenir. Ce que nous pensons être anodin peut avoir des conséquences bien plus grandes que nous ne l’imaginons. Et la déconstruction n’est pas si simple. Il arrive que même en ayant conscientisé et remis en question certains enseignements, ceux-ci aient encore une emprise sur nos choix, réactions et actions. C’est tout un tissu de mémoires qui s’est matérialisé dans différentes situations de notre vie autour de nos pensées racines. Alors la déconstruction à réaliser pour transformer sa réalité ne se limite pas à certains faits épisodiques et à changer une simple idée, mais touche tout un tissus, comme une immense toile d’araignée, dans lequel chaque fil de pensée se relie à un autre. Les graines plantées à l’origine de notre apprentissage se sont implantées dans diverses situations de notre vie. Et lorsque nous tissons notre toile, nous le faisons avec cette matière dont nous disposons, celle dont nous avons hérité. Il faut donc regarder la toile dans son ensemble. C’est un grand travail de conscience.

La difficulté de la croyance c’est qu’il est difficile de la percevoir. Pour cela, il faut beaucoup d’humilité, se souvenir d’ores et déjà, que notre vision et celle de nos parents, enseignants et maîtres, reste subjective. Il faut ensuite prendre de la hauteur, observer, s’observer, confronter, se questionner. La difficulté également de la croyance, c’est qu’elle façonne notre expérience. Et notre expérience façonne notre vision et compréhension du monde. Il m’est arrivé de rencontrer des femmes qui ont été confrontées à de l’autoritarisme durant leur enfance de la part de leurs pères. Et convaincues que l’homme était par nature autoritaire, elles n’ont fait majoritairement que l’expérience de situations similaires à l’âge adulte, dans le cadre de leurs relations sentimentales et professionnelles. Elles étaient alors persuadées qu’il était dans la nature de l’homme d’être dominant, et qu’il ne pouvait en être autrement. Elles ont nourri un rejet de la part masculine et ont entretenu malgré elles, cette confrontation touchant au rapport homme/femme et cette dualité intérieure. Alors qu’un rapport sain entre les sexes et dans toute relation, est une question d’équilibre entre savoir donner et recevoir, écouter et exprimer, poser ses limites et respecter les limites de l’autre.

Il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres. Toutes personnes qui ne remettent pas en question les enseignements qui leurs ont été transmis et qui les poussent à se retrouver dans certaines situations, et croient que la réalité est conforme à ces reproductions, s’enferment dans un cycle répétitif, qu’elles communiqueront à leur proche comme étant une vérité, reproductible par ceux qui y accorderont leur foi. Nous entrons dans la reproduction de schémas transgénérationnels, du karma familial.


Il faut se rappeler que ce que nous voyons n’est pas forcément conforme à la réalité. Ce que nous voyons, et vivons en terme d’expérience est conforme à une certaine réalité, mais pas la réalité, bien plus vaste que celle perceptible à notre petite échelle individuelle. Ainsi nous pouvons vivre à répétition des schémas délétères et penser que le monde fonctionne ainsi, alors que d’autres personnes font une expérience totalement différente, et que nous pourrions nous-même faire une expérience différente. Ce qui reviendrait à inverser le mouvement de la roue karmique, pour le transmuter en un cercle vertueux.


Le travail de conscientisation et de déconstruction peut prendre du temps, des années, une vie et se transmettre aux générations suivantes. C’est un exercice qui peut sembler difficile au départ, mais non seulement nous pouvons nous apercevoir rapidement qu’il est gratifiant de le réaliser, mais en plus, plus nous le pratiquons, plus il nous est naturel et confortable de le faire.

Aussi il convient de se demander, quelles sont nos pensées racines ? Sommes-nous en accord avec elles ? Sont-elles vraies ? Et comment nous influencent-elles inconsciemment ?

Nous avons des pensées racines sur l’argent, sur le bonheur, sur l’humanité, sur l’homme et la femme, sur nous-mêmes. Énormément nous limitent. Énormément nous amènent droit au mur et pourtant, nous les reproduisons sans les voir. Jusqu’à cette ouverture de conscience qui nous confronte à notre déni et nous ouvre la porte du changement.


J’ai envie de partager quelques exemples de croyances implantées à la source de notre apprentissage et de leurs influences :


Les pensées racines inconscientes selon lesquelles le travail est une peine et que notre bonheur dépend de notre confort matériel, nous poussent à nous imposer des situations professionnelles qui ne sont pas dignes de ce que nous pourrions attendre de meilleur. Elles contribuent à ce qu’il soit mal vu de vivre de sa passion, et de faire rémunérer un travail artistique, contribuant au mieux être, jugé inutile. Comme si nous étions prédisposés à devoir peiner à vivre.


La pensée inconsciente selon laquelle l’homme est un loup pour l’homme, et qu’être trop gentil est une marque de faiblesse, voire même est assimilée à de la bêtise, nous pousse à restreindre notre générosité par peur d’être abusé et justifie les actes d’abus de pouvoir et de position dominante. Ainsi nous acceptons de vivre dans un déséquilibre, où la compétition l’emporte sur la solidarité, ce qui est pourtant un non-sens en matière de survie, pour l’espèce sociable que nous sommes.


La pensée racine inconsciente, résultant de la précédente, selon laquelle l’amour est obligatoirement intéressé, nous coupe de la possibilité de vivre un amour désintéressé, qui est bien plus gratifiant que tout amour conditionné par nos dépendances affectives et issues de notre propre désamour.


Les pensées racines inconscientes sur la configuration des sexes, selon lesquelles l’homme est un être rationnel, la femme un être émotionnel, contribuent encore aujourd’hui à ce qu’une partie des hommes rejettent leur émotivité et à souffrir d’être coupé d’une part de soi, et poussent encore les femmes à se battre pour que l’on reconnaisse leurs qualités intellectuelles au même niveau que leurs confrères.


Toutes pensées racines qui nous encouragent encore à faire passer l’éducation en force, alors que le meilleur moyen de transmettre une leçon se trouve dans l’exemple, la cohérence, le partage, l’explication, la patience, l’écoute et l’amour.


Nous vivons également dans un monde qui a inversé le système des valeurs et s’est asservi au profit d’une vision matérialiste : l’homme sert l’argent, plus que l’argent ne sert l’homme. Le vivant sert la matérialité, plus que la matérialité ne sert la vie. Nous pouvons nous questionner alors, quel est le sens du vivant, quel est le sens de nos vies ? Pour une humanité qui considère la nature, les hommes et les bêtes comme des produits au service d’une croissance fictive, justifiant des conditions d’abattages qui nous montrent combien nous sommes éloignés du sacré du vivant, justifiant des pillages qui nous montrent combien nous avons oublié que nos forêts, tout comme la qualité de nos sols et la qualité de nos eaux, sont indispensables à notre survie. Et bien que nous le pointions du doigt, de plus en plus depuis plusieurs décennies, nos systèmes politiques continuent de creuser ce déséquilibre et une majorité de personnes choisit de l’ignorer. Alors qu’il suffirait de vraiment le regarder et de proposer de réelles alternatives actives pour changer cela.


Pourquoi maintenons-nous cet état de fait qui nous dirige indéniablement vers notre déclin ? Parce que nous croyons que nous ne pouvons faire autrement. Parce que nous sommes persuadés qu’il est plus facile de garder les choses telles qu’elles sont, en l’état, plutôt que d’être acteur d’un changement. Parce que nous ne croyons pas en ce potentiel de changement. Nous nous sommes résignés. Parce qu’aussi, nous avons appris à être passifs et à nous reposer sur des autorités en qui nous avons placé toute notre confiance. Ainsi nous avons délégué notre pouvoir personnel et responsabilité à agir sur une part de notre vie et sur notre environnement de manière consciente.

Il existe une multitude d’autres exemples que nous pourrions développer, dans de nombreux domaines confondus. A chacun de regarder en soi, dans ses actes, pensées et méthodes pour reconnaître et comprendre ces héritages.


Comment déconstruire ses pensées racines ?

Le meilleur moyen de savoir quelles sont nos pensées racines personnelles est de se regarder en conscience et de se questionner lorsqu’on pose une affirmation, un jugement, un regard. Suis-je d’accord avec l’affirmation que je viens de prononcer ? Suis-je en accord avec ma réaction ou mon geste ? Seul un regard conscient peut permettre une évolution réelle vers davantage de justesse. Quelles sont les conséquences de mes actes ? Quelles sont les conséquences de mes croyances ? Y a-t-il un autre chemin, plus favorable, pour aboutir à ce que j’essaye d’atteindre ou d’instruire ? Qu’est-ce qui marche le mieux finalement ? Que souhaitons-nous ?

Pourquoi devrions-nous faire ce travail de conscience ? Pour nous offrir le meilleur. Parce qu’il y a des choses qui manifestement ne fonctionnent pas. Pour cesser de tourner en rond et de produire des schémas délétères. Pour sortir de nos misères et construire nos réussites. Pour créer un monde plus conscient, plus aimant et plus libre. Pour s’équilibrer et s’épanouir. Pour suivre son aspiration et son inspiration plutôt que ses certitudes et ses servitudes.


L’étape la plus difficile de la déconstruction est le détachement. Mais une fois que l’on comprend tout l’intérêt de ce travail intérieur, il devient une évidence. L’attachement, vient de la peur de manquer. Elle est liée à notre expérience passée. Elle est liée à l’ensemble des pensées racines qui sont la résultante de schémas de dépendance. Lorsque nous comprenons que nous ne manquerons de rien en réalisant ces changements, mais qu’au contraire nous construirons notre abondance en agissant dans une direction créatrice et non reproductrice de schémas destructeurs, lorsque nous ferons l’expérience des bienfaits d’une pensée équilibrée, et d’un arbre solide et cohérent, en harmonie avec son environnement, nous ne serons plus la même humanité.


Il peut être temps d’aimer. De reconstruire un arbre dont la ressource la plus importante serait l’amour. De tout ce désamour fruit de l’inconscience, dont nous avons hérité, et qui agit à l’encontre de notre planète, animaux et enfants ainsi que de nous-mêmes, nous pouvons en tirer des leçons et, comme l’alchimiste, changer le plomb en or. Notre lumière, c’est la conscience que nous mettons sur ce que nous sommes et ce que nous faisons. Nous pouvons choisir d’aimer. Non pas attendre de recevoir de l’amour. Aimer. À travers nos gestes, notre regard, dans notre conscience. Nous attendons de l’extérieur ce qui ne peut être que de notre ressort.

Regardons de plus près. Même l’amour a été jugé comme quelque chose de niais, dégradé, méprisé, et abandonné. Combien de pensées racines ont dénigré l’amour. Combien se sont cristallisées en nous et nous influencent ? Beaucoup de personnes aujourd’hui ont cessé de croire en l’amour. Un bon nombre se sent illégitime à le recevoir. Et tant de personnes se sentent incapables de le donner ou de l’exprimer simplement, sans tabou. Il est fréquent d’entendre dire ou de lire que l’amour fait mal. Or c’est tout l’inverse. L’amour ressource et nourrit. C’est l’attachement et le désamour génèrent de la souffrance, non l’amour. Simplement pour lui permettre de fleurir, il est nécessaire de le trouver et de le nourrir en soi, puis de le laisser s’expanser, pour le répandre au-delà de soi, jusque dans ses fruits, et dans ses racines.

« Notre lumière, c’est la conscience que nous mettons sur ce que nous sommes et ce que nous faisons. »


Camille Jourdain

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1 Comment


jazzandlatin
jazzandlatin
Mar 11, 2023

Tellement vrai ! Mais il est tellement facile de s’égare ! Eckhart Tolle le répète tellement de devenir observateur de son comportement pour avancer… Merci du rappel !

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